07 novembre 2014

Snapshots - Nouvelles voix du Caine Prize

Auteurs : NoViolet Bulawayo (Zimbabwe), Constance Myburgh (Afrique du Sud), Olufemi Terry (Sierra Leone), Rotimi Babatunde, Tope Folarin et Chinelo Okparanta (Nigeria) – Nouvelles traduites de l’anglais par Sika Fakambi.


Broché : 224 pages
Éditeur : Zulma
Collection : Littérature
  Édition : 9 octobre 2014

   De magnifiques nouvelles venues d'Afrique.



Présentation de l'éditeur :

Cette sélection de six récits salués par le Caine Prize pour la littérature anglophone d'Afrique, dans la lignée du fameux Booker Prize, nous démontre superbement l'originalité, la diversité et la puissance d'invention de cette jeune génération d'écrivains - ici, Afrique du Sud, Zimbabwe, Sierra Leone, Nigeria.

Par leurs voix, la langue anglaise post coloniale, trempée dans les réalités mutantes des grandes cités, devient un extraordinaire espace de métamorphose des imaginaires et des sensibilités.

Un prodigieux kaléidoscope d'histoires.

«Longtemps, la littérature africaine fut reléguée aux marges. L'un des avantages de cela, c'est qu'elle a maintenant fort à faire. Elle a bien des élans, bien des possibles, bien des sagesses, à porter au jour. En temps voulu, elle se manifestera au monde, prodigue de merveilleuses surprises et de cadeaux inattendus.» Ben Okri


Ma lecture :

Ce titre est le premier des Lectures Communes de novembre proposé par le Comité de Lecteurs. Si les propositions d'octobre ont pu être décevantes, celle-ci est vraiment une réussite.

Ce livre réunit en quelques 224 pages six superbes nouvelles publiées en anglais par des auteurs africains (vivant en Afrique ou d'origine africaine). Ces six auteurs ont été sélectionnés ou primés pour le Caine Prize, prix littéraire décerné chaque année depuis 2000 pour la meilleure nouvelle en langue anglaise publiée en Afrique ou ailleurs par un écrivain africain.

Les auteurs retenus ici sont de jeunes auteurs (nés entre 1986 et 1972) présentant des récits très différents dans des styles également très variés.

Le premier, Snapshots, de Noviolet Bulawayo, m'a surprise par son style. C'est un récit à la deuxième personne du singulier qui nous raconte l'histoire d'une jeune fille d'une petite quinzaine d'années au Zimbabwe. L'auteur nous parle de la famille, de la place des femmes, de la difficulté à vivre dans ce pays soumis à une inflation galopante, où trouver à manger chaque jour est un défi. C'est l'histoire des femmes qui doivent abandonner leur maison et leurs enfants quand leur mari meurt. L'histoire d'un pays où les femmes ne peuvent avoir des enfants en dehors du mariage mais qui condamne l'avortement. Ce texte est plein de violence et de souffrance, d'espoir et d'amour également. Un récit très fort.

Dans Hunter Emmanuel, Constance Myburgh nous présente un homme en quête de sens, dans un pays où des gens sont prêts à tout vendre, y compris une partie d'eux-mêmes pour s'offrir une vie plus confortable.

Zuma Rock - Nigeria


Avec America, Chinelo Opkaranta nous entraîne dans une ville du Nigeria où les femmes ont accès à l'instruction et se construisent des rêves de liberté. Mais le pays n'est pas prêt à accepter toutes les libertés et les jeunes femmes se mettent à espérer d'autres vies, dans d'autres pays, aux États-Unis notamment. Cette nouvelle est celle des incertitudes et des doutes, ceux d'une jeune femme qui veut vivre comme elle l'entend mais qui pour cela doit fuir le pays de sa famille, de son père et de sa mère, ses racines et ses traditions, sa culture, pour plonger dans l'inconnu et perdre ainsi une partie d'elle-même.
" Mais je me force à garder les yeux bien fermés, comme si les garder bien fermés pouvait m'empêcher de changer d'avis, comme si les garder bien fermés pouvait empêcher le regret de venir jusqu'à moi." (Snapshots - Nouvelles voix du Caine Prize - America, Chinelo Opkaranta - Éditions Zulma - page 108)

J'ai également beaucoup aimé la nouvelle de Tope Folarin, Miracle, dont l'histoire se passe dans une communauté nigériane émigrée aux États-Unis. Il est question de croyance, de religion, de foi et d'espoir, du miracle aussi bien sûr. C'est un récit plein de tendresse, avec une chute pleine d'humour.

Jour de baston, d'Olufemi Terry est d'une rare violence. D'une grande humanité aussi. L'auteur nous plonge dans un monde parallèle, ou des enfants survivent au cœur d'une décharge, seuls, et s'étant construit une société organisée autour de combats de rue, discipline malgré tout très réglementée, même si au final, tous les coups sont permis.

La République de Bombay, enfin, de Rotimi Babatunde, est le magnifique récit de l'engagement du peuple africain dans la seconde guerre mondiale. Ces hommes arrivent en terre inconnue, pour défendre une cause qui n'est pas vraiment la leur, auréolés de multiples croyances. Dans ce texte, le camion envoie ces hommes de couleur en Birmanie, où ils rencontrent l'européen et le japonnais, la jungle et les pluies incessantes, des cultures et des rites totalement surréalistes pour eux. Cette nouvelle a été récompensée du Caine Prize en 2012.
"Il n'y avait plus qu'une seule chose à faire. Capturer Hitler avant qu'il ne se rende maître de leur patrie. Aussi les jeunes gens du pays s'enrôlèrent-ils en masse. Parmi eux, le Sergent de Couleur Bombay. Lequel allait bien vite découvrir que quelqu'un avait dû confondre les frontières de son pays avec celles d'un endroit à l'autre bout du monde." (Snapshots - Nouvelles voix du Caine Prize - La République de Bombay - Rotimi Babatunde - Éditions Zulma - page 171)

A travers ces six nouvelles, le lecteur découvre l'Afrique : un continent qui sonne vrai, pas une carte postale pour touristes avides de soleil, ni un article misérabiliste de grand quotidien occidental. Si l'on perçoit la misère, la souffrance, la violence dans ces textes, il n'y a jamais d’apitoiement ni de défaitisme. Il y a beaucoup d'espoir et les rêves des jeunes gens qui ont écrit ces textes. Le lecteur découvre un univers et, une fois le livre refermé, a assurément une perception sensiblement différente de celle qu'il avait jusqu'alors de ce continent si intense.

Bref, j'ai adoré et je ne peux que vous le conseiller. Moi qui suis habituellement peu attirée par les nouvelles, ayant souvent le sentiment de rester sur ma faim, j'ai ici été bluffée par ces récits si intenses et si denses.



De gauche à droite et de haut en bas : NoViolet Bulawayo (© Krystal Griffiths), Olufemi Terry (© allrightsreserved), Constance Myburgh (© Julia Bass), Rotimi Babatunde (© Throne Studios/Akinwunmi Osunkoya), Chinelo Okparanta (© Rolex/Bart Michiels), Tope Folarin (© David Fleming).


Je vous invite à lire les billets de Mélissa Chemam, Yggdrasil ou des Tambourinaires.


**********

Il s'agissait donc de la première lecture commune de novembre du Comité de lecteurs, et de ma 7ème lecture de cette rentrée littéraire 2014.

http://delivrer-des-livres.fr/challenge-1-2014-les-lectures-participants/   http://itzamna-librairie.blogspot.fr/search/label/Comit%C3%A9%20de%20lecteurs





3 commentaires:

  1. Ton billet donne envie de le lire :-)
    Varié ce recueil :.)

    RépondreSupprimer
  2. Je suis en train de me triturer les méninges pour savoir laquelle des participantes au Club de Lecture tu es... Je tente de me remémorer les propos de tous lors des rencontres... Je sèche...

    RépondreSupprimer
  3. C'est plus facile pour nous, tu es le seul participant masculin ! Et toi, contrairement à moi, tu avais donné l'adresse de ton blog ;-) Mais comme à la Librairie, j'ai été repérée, je vais faire fi de ma réserve. Gaëlle.

    RépondreSupprimer