31 janvier 2014

L'étranger - Albert Camus

Auteur : Albert Camus
Titre : L'étranger

Broché :  191 pages
Editeur : Gallimard
Collection : Folio
 Edition : Décembre 1971


Un classique déroutant. 


Présentation de l'éditeur :

«Quand la sonnerie a encore retenti, que la porte du box s'est ouverte, c'est le silence de la salle qui est monté vers moi, le silence, et cette singulière sensation que j'ai eue lorsque j'ai constaté que le jeune journaliste avait détourné les yeux. Je n'ai pas regardé du côté de Marie. Je n'en ai pas eu le temps parce que le président m'a dit dans une forme bizarre que j'aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français...»

L'étranger est le premier roman d'Albert Camus, Prix Nobel de littérature en 1957.


Ma lecture :

Que vous dire de cette lecture ?
Qu'elle ne fût pas celle que j'attendais et que pour cette raison, elle m'a constamment déstabilisée.
Pour la première fois depuis... tout le temps probablement, j'ai acheté un livre sans en lire la 4ème de couverture. Pour la première fois aussi, j'achetais ce livre sans savoir de quoi il parlait, car effectivement, je n'ai jamais eu l'occasion de lire cet auteur. J'avais feuilleté il y a quelques temps la BD de Jacques Ferrandez tirée de ce roman et en avais lu les premières pages. Jamais je ne me suis attendue à ce récit.

Ecrit en 1942, le roman se situe à Alger. Il nous raconte l'histoire de Meursault, un jeune homme qui perd sa mère au début du roman et qui se rend à son enterrement. A la fin du livre, Meursault se retrouve condamné à mort pour un meurtre qu'il a commis sans que ni lui ni nous n'ayons bien compris pourquoi, si ce n'est le hasard des circonstances.

Ce qui est intéressant dans ce livre, c'est l'enchaînement de petits moments apparemment sans grand intérêt qui construisent une personnalité tout à fait surprenante. Le tout est porté par l'écriture géniale de Camus qui fait évoluer la forme avec l'intrigue.

Le récit est à la première personne du singulier. Et indubitablement, nous sommes enfermés dans l'esprit de Meursault. Pourtant aux premières loges, il nous est difficile de comprendre ce qui s'y passe. Meursault s'exprime avec des phrases courtes, dans un style très simple, saccadé. Son absence totale de sentiments et d'émotions nous le font paraître comme totalement extérieur au monde qui l'entoure. A plusieurs reprises j'ai eu cette impression d'être enfermée dans l'esprit de Meursault et de n'avoir pas toutes les clefs pour comprendre les situations, comme si lui-même n'en percevait qu'une partie.

C'est ainsi que nous assistons avec Meursault à l'enterrement de sa mère. Aucune émotion ne transparaît, juste la nécessité de se conformer à ce que l'on attend de lui. Les seuls éléments qu'il semble percevoir et ressentir sont la chaleur et la fatigue. Il en est ainsi tout au long du récit. Ce sont d'ailleurs ces éléments qui le conduiront à commettre ce crime.

"J'étais un peu perdu entre le ciel bleu et blanc et la monotonie de ces couleurs, noir gluant du goudron ouvert, noir terne des habits, noir laqué de la voiture. Tout cela, le soleil, l'odeur de cuir et de crottin de la voiture, celle du vernis et celle de l'encens, la fatigue d'une nuit d'insomnie, me troublait le regard et les idées."

Son devoir accompli, Meursault ne s'attarde pas et rentre à Alger. Il retrouve ses habitudes, débute une relation avec Marie, le tout comme si de rien n'était, sans états d'âme ni aucune émotion. L'esprit de Meursault semble bien mécanique. Tout comme son expression, simple, peu élaborée. Il côtoie ses voisins, Raymond et Salamano, le premier proxénète violent avec ses "maîtresses", le second tout aussi violent avec son chien. Mais rien ne semble émouvoir Meursault, qui traverse toujours cette existence sans sembler sortir de lui-même. Il est enfermé en lui et ne perçoit que très peu de choses de l'extérieur : le chaud, la fatigue, la faim... 

"Le soir, Marie est venue me chercher et m'a demandé si je voulais me marier avec elle. J'ai dit que cela m'était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. Elle a voulu savoir alors si je l'aimais. J'ai répondu comme je l'avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l'aimais pas. "Pourquoi m'épouser alors ?" a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n'avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier."

Tout cela paraît tellement simple !

L'étranger - Albert Camus - Jacques Ferrandez
 
Puis, à l'occasion d'une escapade en bord de mer, Meursault tue un homme. Parce qu'il faisait chaud et que la sueur lui coulait dans les yeux... Et là, la machine judiciaire se met en marche, sans que l'accusé se sente plus concerné par ce qui se passe autour de lui. Le procureur et l'avocat se saisissent de "l'affaire" chacun avec sa perception des motivations de Meursault. Chacun présentant une image différente de l'accusé. Lui, reste totalement indifférent à ce qui se joue autour de lui.

Aux derniers moments du procès pourtant, Meursault semble sur le point se s'ouvrir : il commence à remarquer le jeu des hommes du droit, à observer les journalistes. Et juste avant le verdict, il songe soudain à regarder dans la salle si Marie s'y trouve. Le style de l'écriture change imperceptiblement. Le rythme est moins saccadé, les phrases plus construites. Le moment où Meursault s'ouvre à son environnement est aussi celui où il est totalement dépossédé de son individualité : il devient objet de plaidoirie et assiste impuissant à cette bataille judiciaire. Son avocat dit "je" en parlant de Meursault.

Le dernier moment du roman, après que la sentence de mort ait été prononcée, laisse apparaître un autre Meursault. Un Meursault qui s'interroge sur lui-même, qui entre en lui même et ne se contente plus de subir son environnement sans aucune compréhension. Tout à coup, comme si une digue avait cédé, tout afflue dans l'esprit de Meursault. Il se révolte. Il veut croire en un avenir. Le rythme de la phrase est soutenu, dense. Le texte est complexe, les phrases sont longues. D'automate qu'il était jusqu'alors, Meursault se transforme en Homme. Et il assiste là à toute l'absurdité de la situation.

L'étranger - Albert Camus - Jacques Ferrandez

Je découvre aujourd'hui cet auteur, et plus particulièrement ce livre, et me surprends à vouloir lire une analyse littéraire de ce texte comme on en faisait au lycée. Ce texte me paraît tellement riche que j'ai envie d'en comprendre les subtilités. Pas sûre que j'aurais été aussi attentive durant mes années lycées !

Je conclurais par cette célèbre phrase de Camus « Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort ».


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Ma première lecture à inscrire aux Challenges Un classique par mois proposé par Stéphie et Les 100 livres à avoir lu proposé par Bianca et Romans cultes chez Métaphore.



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2 commentaires:

  1. Merci pour cette première participation ! J'ai lu ce livre il y a très longtemps, plusieurs fois d'ailleurs, il faudrait que je le relise un jour

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  2. J'aime beaucoup Camus et cette adaptation est sur ma PAL...

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